Les Snuls

Les Snuls apparaissent sur Canal+ Belgique entre 1989 et 1993, avec une émission hebdomadaire à la forme volontairement désordonnée. Ce collectif réunit Frédéric Jannin, Stefan Liberski, Kristiaan Debusscher, Nicolas Fransolet et Serge Honorez. Leurs créations s’appuient sur un humour absurde, des détournements visuels et des références très localisées. Dès le départ, ils imposent un ton qui renverse les habitudes télévisuelles classiques.

Le groupe s’empare de symboles nationaux comme les frites, l’Atomium ou les chicons pour construire un univers parodique. Les Snuls manipulent ces symboles familiers afin de souligner leur caractère artificiel ou caricatural. Le résultat : des sketchs déconcertants, calibrés pour provoquer une réaction immédiate. La télévision devient pour eux un espace d’expérimentation comique. Ils refusent tout formatage, tout message rassurant.

Parmi leurs créations récurrentes, on trouve Le professeur Decodor, une fausse démonstration pour pirater Canal+, ou Santa Belgica, un soap volontairement incohérent. Les Snuls insèrent aussi des micro-sketchs absurdes entre deux émissions, sans prévenir. Ce jeu sur l’intervalle les distingue de la production classique. Le spectateur ne sait jamais ce qu’il va voir. Ce principe de surprise installe un climat de doute permanent.

Le collectif adopte une esthétique bricolée, exploitant les limites techniques de manière comique. Les effets spéciaux approximatifs deviennent des gags en eux-mêmes. Les Snuls filment parfois sur fond de carton, avec des costumes simplistes et des bruitages maison. Cette méthode détourne la prétention de la télévision bien produite. Le rire naît de ce refus des standards habituels.

Leur influence se propage, notamment grâce à des collaborations avec Bouli Lanners, Benoît Poelvoorde ou Laurence Bibot. Ils sortent aussi des disques, des vidéos et quelques publications imprimées. Leur ton grinçant attire un public fidèle, parfois déconcerté. Les critiques, de leur côté, peinent à les classer. Leur objectif n’est pas la provocation gratuite, mais le jeu avec le sens.

En 2023, un documentaire réalisé par Guillermo Guiz et Gilles Dal leur est consacré. Il s’intitule Snuls, de toute façon, dans 20 minutes, vous aurez tout oublié. Ce film interroge la nature même de leur humour, ainsi que son absence d’héritiers directs. Il évoque aussi la manière dont leur style colle à une époque précise. Les auteurs y confrontent les anciens membres à leurs archives.

Dans la même période, Jannin et Liberski publient "Les Snuls sont très connus". Cet ouvrage commente leurs archives, détaille leurs procédés et replace leurs interventions dans leur contexte. Le livre éclaire aussi les liens entre leur travail et les traditions absurdes. Il montre que leur œuvre fonctionne sur une logique qui dépasse le simple pastiche.