Le sakoku

Le sakoku désigne la fermeture volontaire du Japon entre 1633 et 1853. Cette politique, imposée par le shogunat Tokugawa, visait à restreindre les contacts avec l’étranger pour des raisons de sécurité intérieure. Elle s’inscrit dans le cadre plus large de la période Edo, caractérisée par une centralisation du pouvoir et un contrôle social renforcé. Dès les années 1630, plusieurs décrets interdirent aux Japonais de quitter l’archipel. Le gouvernement menaçait de peine de mort ceux qui enfreignaient cette interdiction. Les autorités limitaient aussi les déplacements des étrangers ou leur refusaient l’entrée. Cette mesure exprimait une volonté de contrôle politique et religieux, afin de préserver l’autorité du régime face aux influences étrangères croissantes.

En 1639, les autorités expulsèrent les Portugais, accusés de propager le christianisme. Peu après, seuls les Hollandais obtinrent l'autorisation de commercer avec le Japon. Le sakoku encadrait également les échanges intellectuels. Toutefois, certaines relations existaient encore, notamment avec la Chine et la Corée. Ce système autorisait un filtrage strict des idées et des produits. Les marchands étrangers commerçaient uniquement depuis Dejima, une île artificielle reliée au port de Nagasaki. Ce choix s’inscrivait dans une logique de surveillance, appuyée par des inspections fréquentes et des protocoles rigoureux.

Grâce à ce verrouillage, le pouvoir central renforça sa légitimité. Il excluait les influences extérieures et consolidait la structure sociale et politique du pays. Le sakoku, bien que rigide, n’instaurait pas une autarcie complète. Certains Japonais haut placés recevaient des informations venues d’Europe par l’intermédiaire des Hollandais. Cela permit de développer un courant discret, appelé rangaku, ou “études néerlandaises”. Ces savoirs abordaient notamment la médecine, l’astronomie et les sciences naturelles. Des traducteurs spécialisés assuraient la circulation de traités scientifiques importés depuis Batavia.

Les limites de ce système devinrent visibles avec le temps. L’écart technologique entre le Japon et les puissances occidentales ne cessait de croître. Des membres du shogunat débattirent de l’opportunité d’assouplir le contrôle. Pourtant, les décisions tardèrent. Le sakoku demeurait officiellement en vigueur, malgré quelques ouvertures partielles. Ces évolutions restaient locales, sans provoquer de remise en question globale de la politique. Plusieurs élites souhaitaient éviter tout conflit direct avec les puissances navales, alors en expansion dans la région pacifique.

La situation changea brutalement en 1853. Le commodore américain Matthew Perry arriva dans la baie d’Edo avec plusieurs navires à vapeur. Il remit une lettre du président américain exigeant l’ouverture de ports pour les navires étrangers. Sous pression, les autorités japonaises signèrent le traité de Kanagawa en 1854. Ce texte mit fin à l’isolement et autorisa un accès commercial. Ce retournement déclencha une série de transformations politiques et sociales. Il ouvrit un nouveau chapitre de l’histoire japonaise. L’ordre établi depuis plus de deux siècles disparut rapidement.